Oignon : de grosses opportunités pour les exportations en Afrique subsaharienne
En Afrique subsaharienne, la progression de la demande d’oignon est dopée par le changement du mode de vie marqué par l’essor des circuits de commercialisation modernes. La production y croit régulièrement mais cette région reste un importateur net. Sa partie occidentale, les pays de la CEDEAO en particulier, peut être un débouché intéressant pour les producteurs marocains.
Avec six kilos par personne et par an, l’oignon est l’un des légumes les plus consommés au Monde. En tête, figure la Libye qui totalise 30 kilos par habitant. Cependant, la consommation est partout en hausse, dans le monde et le reste du continent africain. L’oignon est consommé de plusieurs manière, et parfois, sans que l’on s’en rende compte. En effet, 20% de la production sont transformés et introduits dans la préparation des soupes, sauces et autres condiments, à l’instar des bouillons, particulièrement prisés en Afrique subsaharienne.
Sur cette partie du continent, le Niger a le taux de consommation par habitant le plus élevé (16 kg/an), contre une moyenne régionale de 4 kg/an/habitant. Les Sénégalais et les Capverdiens ont aussi un gros appétit pour l’oignon avec, respectivement, 13 et 6 kg/an/habitant.
En Afrique subsaharienne, la progression de la demande est en général dopée par le changement du mode de vie marqué par l’essor des circuits de commercialisation modernes. Le produit frais proposé est en effet de meilleur qualité grâce à l’amélioration de la chaine logistique, donc plus attirant pour la clientèle.
La production augmente régulièrement en Afrique subsaharienne
Le marché est donc très porteur. Il s’en suit une augmentation régulière de la production, notamment en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale. Il faut dire que l’oignon est une plante peu capricieuse qui s’adapte un peu partout dans le monde.
A l’Ouest du continent africain, sa culture s’étend des zones arides du Niger (Arlit, Agadez) au Sénégal, particulièrement dans la région agricole des Niayes, au nord de Dakar, et le long du fleuve Sénégal. La culture est également bien implantée au Nigéria, au Burkina Fasso et au Mali et, dans une moindre mesure, en Côte d’Ivoire.
En général, elle s’est développée sans encadrement technique fort, contrairement au coton ou à l’arachide. En d’autres termes, les agriculteurs ont appris sur le tas et ont développé leurs connaissances au fil du temps. L’objectif de départ était de créer une autre source de revenu pour faire face aux incertitudes du marché des grandes spéculations (par exemple, l’arachide au Sénégal et le coton au Burkina et au Mali).
Ce secteur agricole, un des plus dynamiques de la sous-région ouest africaine, est dominé par le Nigéria qui produit 600 000 tonnes par an, devant le Niger qui totalise 500 000 tonnes. Suit le Sénégal avec 400 000 à 450 000 tonnes. Le Mali, le Ghana et le Bénin sont également des producteurs importants d’oignon.
Une chaine d’approvisionnement peu performante
Malgré une production en hausse constante, pratiquement tous les pays, hormis le Niger et le Burkina qui exportent 60 à 80% de leur production, importent de l’oignon, entre autres pour pallier le gap en dehors de leur période de production. Il se trouve aussi que, malgré des avancées dans la chaine logistique, les problèmes organisationnels font qu’il est difficile de gérer de manière optimale la chaine d’approvisionnement des marchés tout au long de l’année.
En d’autres termes, la non maîtrise du système de conservation entrave considérablement la capacité d’approvisionnement des marchés, de même que la capacité des producteurs à répondre pendant toute l’année à la demande du marché sous régional et à mieux réguler les flux de produits et les prix.
A cela, s’ajoutent d’autres dysfonctionnements notables. Par exemple au Sénégal où l’on déplore autour de 20% de perte de production, la pression qu’exercent les grossistes sur les producteurs est considérée comme l’une des principales causes. Pour faire baisser les prix, les commerçants ont en effet tendance à retarder leurs commandes, poussant ainsi les agriculteurs à vendre au prix le plus bas ou à laisser pourrir leurs produits, faute de moyens de conservation performants.
En outre, la corruption endémique et l’infrastructure routière inadéquate des principaux axes de circulation de la région aggravent les risques liés à la commercialisation et augmentent les coûts généraux du transport des produits vers les marchés.
Des opportunités pour les producteurs marocains mais une forte concurrence du Niger et des Pays-Bas
Compte tenu de sa configuration, le marché subsaharien, notamment sa partie occidentale, offre des opportunités intéressantes aux producteurs marocains d’oignon d’élargir leurs débouchés à l’étranger. Avec une production de 900 000 tonnes en 2019 pour des besoins annuels de l’ordre de 500 000 tonnes, ces producteurs disposent d’une confortable marge d’exportation. Actuellement, des cargaisons passent par la frontière sud (Guergarat), à travers la Mauritanie (un important client) et vers le Sénégal, pays à partir duquel une partie du produit est réacheminée vers des pays limitrophes.
Le Maroc est cependant confronté à la concurrence européenne, plus particulièrement celle de la Hollande, présente depuis plusieurs années sur le marché africain. Pour illustration, le Sénégal a absorbé le tiers des exportations d’oignon de ce pays en 2017.
A l’intérieur de la zone ouest africaine, le Niger, dont les excédents sont exportés vers le Bénin, le Ghana, la Côte d’Ivoire et la Guinée, est aussi un concurrent de taille.
Des barrières douanières et non douanières
Du point de vue légal, les pays producteurs cherchent à protéger la filière pendant les périodes de production. A ce titre, le Sénégal s’appuie depuis 2003 sur la clause de sauvegarde spéciale définie dans les accords de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) pour mettre en place un système de protection saisonnière contre les importations.
Dans le même sens, les autorités ont, en 2013, renforcé les mesures de préservation des acquis de la filière. Elles ont ainsi décidé de poursuivre les restrictions aux importations en rapport avec la disponibilité de la production locale, de construire des infrastructures de stockage et de conservation, de promouvoir l’assurance indicielle et de s’accorder sur une charte de prix bénéfique aussi bien par les producteurs que par les consommateurs.
Sur le plan régional, les pays de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), qui absorbent plus de la moitié des exportations marocaines (tous produits confondus) en Afrique Subsaharienne, ont instauré un tarif extérieur commun (TEC) entrée en vigueur en 2015. Pour l’oignon et les échalotes les droits de douanes (Max) sont fixés à 35%, en plus d’une redevance statistique (RS) de 1%, d’un prélèvement communautaire de solidarité (PCS) de 1% et d’un prélèvement CEDEAO de 0.5% lors de la mise en consommation du produit. Le minimum pour tous les produits agricoles est de 20%. A terme, c’est ce taux qui devrait être le plafond, la CEDEAO ayant décidé d’accorder une période transitoire « de quelques années » à compter de 2015.
Alié Dior NDOUR
Encadré
Des opportunités d’investissement dans la déshydratation de l’oignon
La production d’oignon est de plus en plus importante en Afrique Subsaharienne. Beaucoup de pays de l’Afrique de l’Ouest pourraient même être autosuffisant. Cependant, les pertes sont souvent colossales, ce qui fait d’eux des importateurs structurels. L’idéal pour les producteurs est d’étaler l’offre sur une période plus longue grâce à une bonne conservation. Reste que cette option est parfois dissuasif pour un secteur globalement mal organisé et proche de l’informel, malgré les tentatives de réorganisation menées par les Etats. Les revenus générés ne permettent pas d’engager de gros investissements.
Ce faisant, l’investissement dans une usine de déshydratation s’avère intéressant pour les opérateurs marocains. Un projet du genre est annoncé au Sénégal. L’usine est d’une capacité de 5000 tonnes, dont une partie sera exportée en Europe. L’investissement est de 13 millions d’euros. Le financement sera assuré par la Société financière internationale (SFI) et le Fonds d’investissement pour l’agriculture et le commerce en Afrique (AATIF).
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Sources
. Base de données FAOSTAT
. Evaluation sous-régionale de la chaine de valeur oignon/échalotte en Afrique de l’Ouest (USAID), décembre 2008.
. https://agritrade.cta.int/fr
. https://www.ecowas.int
. Ministère de l’agriculture, Sénégal
. L’oignon, une production en plein essor en Afrique sahélo-soudanienne · Magalie Cathala, Noé Woin et Thimothée Essang
. Production de l’oignon au Sénégal (Une étude du Centre de Gestion et d’Économie Rurale de la Vallée –CGERV-)
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